Cohabitation. B.Sauvage

            Je prends un petit peu d’élan et m’élance contre la porte. Un cri retentit. Vu la puissance sonore, je gage qu’il a eu mal au pied ou que j’ai cisaillé le cuir de sa chaussure. Peu importe, la manœuvre a été suffisamment efficace pour lui faire retirer ses orteils de la fermeture de ma porte. Je verrouille et me retrouve toute seule dans la salle de bains. Dans le couloir, assourdis, résonnent les piaillements de douleur de mon hôte imposé. Ses gardes du corps ont dû être alertés par son raffut et s’affairent certainement près de lui : qu’ils s’en débrouillent !

            J’allume quelques bougies sur le rebord de la baignoire s’emplissant d’eau chaude et de mousse parfumée. J’extirpe mon téléphone d’une poche de mon jean, me déshabille et plonge enfin dans l’eau bienfaisante. Les yeux fermés, je passe en revue les évènements qui m’ont transformée en une journée de paisible étudiante à … A quoi exactement, d’ailleurs ? Je sais que ce grand, jeune, beau, et talentueux acteur est caché chez moi pour un certain temps (et non pas un temps certain, hein Papa ?) Il est poursuivi par des tueurs pour une raison que j’ignore. Protégé par la police et mon commissaire de paternel, aussi. Est-ce que ca a un rapport avec le dernier court métrage qui parlait d’une mafia hollywoodienne ? Aucune idée mais ca me parait peu probable. C’était un navet ce film, d’ailleurs. Décidément, il y a trop de questions sans réponses de ce côté-ci. Prenons le problème autrement : pourquoi cacher ce milliardaire chez moi, dans mon 30m² ? Parce que l’on ne s’attend pas à ce qu’un type dans son genre, aussi capricieux, se cache dans un aussi petit logement, soit. Mais pourquoi chez moi, alors ? Je suis la fille du commissaire, donc a priori quelqu’un de sûr, mais encore ? Parce qu’on – c’est-à-dire Papa-  s’imagine que je vais supporter ce type parce que je suis une gentille fille et que je ne veux pas décevoir mon petit Papa ? Si c’est ça, il ne va pas être déçu du voyage : si l’autre m’en fait voir de toutes les couleurs, Papa va en entendre des vertes et des pas mûres ! Non mais !

            Bzz. Bzz. Bzz. Bzz. Fait le vibreur de mon portable.

«          -  Allô ?

-         Ah ! Ma chérie, c’est bon de t’entendre. Dis, tu viens toujours manger chez moi ce soir ? »

OU

            - Ma grande, c’est Papa. Ca se passe comment l’emménagement ? »