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croq'vies - des aperçus, des visages, des instants

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croq'vies - des aperçus, des visages, des instants
  • Vous trouverez ici des histoires, des anecdotes, de ma vie, de ma campagne, de ma vie étudiante, et puis des histoires inventées, juste pour le plaisir. Et j'espère de tout coeur que ce petit mélange sera sympatique. A tout de suite!
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7 septembre 2009

Authentiques perles de la fiche de présentation de mes 5eme...

Adresse :

-« Ammilly »

-«  Nogen »

-« Amillie »

Problèmes de santé ?

-«  Nan je nai pas de probleme. »

-«  alérgique au gluten »

-«  asme »

-«  crisse de naire »

Profession des parents :

-«  pose des bande »

-«  francetelecom »

-«  chauffeur poids-lour »

-«  éléctricité »

-«  fondri et peux être charpentier »

-«  comerçant »

-«  ingénieur en vibration et acqqoustique »

Quel métier veux-tu faire ?

-« cusinier, patisier »

-«  Mon projet professionnel plus tard sera astronome.Pour pratiquer ce metier je faire des étude d’astrophysique et de Mathématique. »

-«  Je prévoi de devenir médessin mais étude je frais le baque S. »

-« devenir footballe professionnel faut être recruter dens un club passé des testes et apres centre de formation et après pros. »

-«  électrisien ou charpentier »

-«  un métier en raport avec la natur ou automobile »

-«  Bac S ou ES. J’aimerais devenir pétiatres et avoir mon cabinet personnelle. Bac + 10ans. »

Quels sont tes loisirs ?

-«  Jadore les jeux sur pc en ligne jai toute les consoles appart la PS3. »

-«  Les écrants et limagintion(s) j’invente des personne ou des gréatures. »

-«  football, battrie »

-«  babmingtone »

-«  basquete »

Aimes-tu lire ? Pourquoi ?

-«  sa depend jaime et jaime pas jaime pas car c’est long a lire jaime car je ve voir ce qui va se passer. »

-«  J’adore lire : car l’imagination m’intérese. »

-«  J’aime lire car s’a m’occupe. »

-«  Oui car sa me pas le temps quand il n’y a rien a la tèlè. »

-«  Oui mais pas longtemp. J’ai pas de passience. »

-« Oui moi j’adore lore car ont apprend des choses et on améliorent son orthogra(h)phe. »

-«  Je lis des BD et des livres d’orreur. Ca m’aident à lire et ça me fait sortir de la vie réelle.»

-«  J’aime lire parce qu’un livre peux être pleins d’actions ou pleins d’émotions et que l’on peux plus prendre le temp de l’aprécié. »

-«  Je n’aimes pas beaucoup lire car ces ennuis et sa mandore. »

-«  Oh oui ! car la lecture est une culture générale. »

-«  Oui des livres apportent beaucoup de culture enver nous appaine des choses intérésente. »

-«  Cela dépan du livre. J’ai lu Merlin un romam qu’on devais lire pandans le vaccance. »

-«  J’aime lire mais moins les romans car je m’ennuis beaucoup. »

-«  J’aime pas tro lire car les histoire que jai en générake son ennuyente. »

-«  Non j’aime pas lire ca sert à rien et ça m’ennuie. »

-«  Oui pace que j’aime ça mais que les BD. »

-«  Oui je aimes lire m’est que se que j’aime, j’aime les Voiture la mécanique. »

-«  Oui parceque on ce documente beaucoup et ca aprend des chauze. »

-«  Oui j’aime lire se qui me plai »

-«  Oui car cela vous apprendt ( ?) des choses qu’on ne connaît pas. »

-«  Jlis desbédé.  Est sa mes fatique.»

-«  Non car je ne sui pas assez conssentré. »

-«  J’ai lu Double Meurtre à l’abbay. »

Qu’attends-tu de la classe de français cette année ?

-«  J’attens de cet classe pas grand-chose sauf être plus forte en grammaire. »

-«  Moi jattends une bonne ambiance et pas trop de travalle dificile. »

-«  Me donner envie de lire plus et faire des progré en ortographe. »

-«  Mieux lire et apprendre puis écouter »

-«  Ben une classe simpa. »

-«  - que l’on essaye d’apprendre les verbes en s’amusant.

- que l’on écrivent un journal

- que l’on écrivent des histoires de genres différents

- monter une pièce de théâtre saimpa

- De faire des choses ludique et de m’amélioré dans cette matière car ces ma langue maternelle. »

-«  de plus faire de faute orthographe, et mieux apprendre la conjugaison. »

-«  J’attend de la classe : qui aiye une bonne embiensse pour pouvoir mieu travailler. »

-«  J’addorerai réussir s’ette anmée ( au cinéma)

-«  Pas grand’chose j’uste qu’on prend/prennes le temps d’étudier le cours. »

-«  De avoir un bonne moyenne mieu que la année derniere progrésser je ne me découragrer jammé. »

-«  J’espére mon savoirent. »

-«  Que sa m’aide en ortographe. »

-«  J’aimerais beaucoup faire du théâtre car depuis que je suis à lécole je m’ait pas eu location de faire de théâtre. »

-«  Que tout le monde réussice a passer en 4eme. »

-«  J’attent de cours de françai qu’il soit passionnent. »

Le mot de la fin ?

-«  Je pe etre tout blanc et tomber dans les pomme. »

-«  Je ne c’est plus. »

-«  Je vie avec mets de sœur et met parent. »

-«  Je suis motivé pour une bonne 5ème. Ma classe est pas tip top. »

-«  Le français j’aime asser bien mais je n’y arrive pas.

PS : je fais de l’ippoglicémie. »

-«  Vive la rentré »

-«  Pour finir je vais vous racontez ce que j’ai fait je suis allais à Chambord pour visiter le château du roi François Ier. »

-«  Désollé je suis movèse en maths – anglais- françai. Mais c’est pas de ma fautes si c’est dure. »

-«  Je n’ame pas trop l’ortographe et la gramaire. »

-«  Le français je ne relachere pas méme si j’ai de gros dificulter je me batrer jusquo bout. »

-«  Je n’arrive pas a accrocher le Français. »

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7 septembre 2009

Authentiques perles de ma classe de 6eme dans les fiches de présentation.

Projet professionnel et études envisagées ?

-«  Je ne c’est pas encore je pense au foot mais je c’est pas. »

-«  Je préférerer travailler dans un bureaux. »

-«  Je veux être Médecine généraliste. Et aller jusqu’à la terminale puis passer le bac. »

-«  Etude jusqu’à 22 ou 23 ans. Puis être directeur de banque. »

- « éde soignante »

-«  assurencier »

Quels sont tes loisirs ?

-«  Faire du quad, faire du foot, du basckette, faire de l’atléthisme, faire du judo et du karaté. »

Qu’est-ce que tu lis ?

-«  Je lis tout sortent de livres. »

-«  Je ne li rien dutout. »

-« Jelis ce con me donnent. »

Aimes-tu lire ? Pour quelle(s) raison(s) ?

-« Oui, ça me distrais jusqu’à ce que je finis le livre. »

-«  Cela dépend du livre à lire. Ci-non l’est ennuyeux. »

-«  Jaime bien lire quand je lis alors que s’est pas moi qui choisi sa ne donne pa envi de lire et s’est énèrvian. »

Quand as-tu lu pour la dernière fois ? Qu’as-tu lu ?

-«  J’ai lu il ny a pas s’y longtemps que ça : j’ai lu les deux livres à lires pour la rentrée de classe. »

Une idée de projet de classe ?

-«  Faire du théâtre, des mîmes, partirent en voyage. »

-«  Dans le cadre d’un projet de classe, je propose que l’on face un petit journal redigé l’année que l’on va passé. »

-«  Ce que je ve faire cest du têatre. »

Le mot de la fin ?

-«  Euh, je ne sais pas trop. J’ai trouvé, je n’aime pas du tout les plus grands car ils me traitent dès que j’arrive à l’école. »

- «  Je suis allergique à la conjugaison. »

-«  movaise élève. » (c’est un garçon)

-«  le cheval c’est trop génial. J’aime bien le français et j’ai du mal a fair mes devoir car j’ai beaucoup la transport » (elle vit à Villemandeur)

-«  J’aime souvent les tême qu’ont n’aborde en français, en gros, j’aime le français. »

-«  Je nais pas redoublé de classe. »

-«  Je suis contende daitre en 6eme. »

-«  Je supporte bien le français. »

18 décembre 2008

La partie de Scrabble

          Aujourd’hui, c’est jour de scrabble à la salle polyvalente. Odette est là, elle aussi s’est arrangée pour l’occasion. La vieille dame se gratte la tête en regardant une fois de plus les sept lettres de son jeu. C’est à Odette de jouer. Ils sont quatre autour du plateau, et il a fallu qu’au tirage au sort, Odette soit avec elle. La vieille dame la déteste cordialement depuis l’école communale. Soit trois quarts de siècle.

-         Bon Odette, quoi qu’tu fous avec tes lettres ? Tu t’endors dessus ? A ce rythme-là, je s’ra morte avant qu’tu t’sois décidée !

-         Ben dis-donc, la Jocelyne, sois pâs si pressée, quoi qu’ca peut t’foutre, si j’y prends mon temps à rafléchir à mes lettres ? T’as ti donc qu’Eque chose à fa’re chez toué pour pas tenir en place comme si qu’t’avais l’var solitâre ? T’es pourtant point une jeunesse, t’y devrais savouère te t’nir maintenant !

          La vieille dame voit rouge. Elle n’aime pas son prénom. Jocelyne ! A se demander où ses parents avaient la tête quand ils l’ont prénommée de la sorte ! C’est une histoire de parrain qui ne voulait pas être parrain si l’enfant s’appelait autrement que du nom de sa mère, parait-il… N’empêche que depuis qu’elle a huit ans, la vieille dame se fait appeler Perrine. Plus personne ne se souvient de son véritable nom de baptême. Personne excepté Odette ! Ah celle-là !

      La vieille dame se décide. Ce sera « calamar », à partir du « cal » posé par la peste en face d’elle. Onze points pour elle, dix pour l’autre. Aujourd’hui, la vieille dame est en grande forme et ca va barder pour l’ennemie. Hubert et Jeannot, leurs voisins de table, glissent par instant un coup d’œil vers les deux adversaires. Leurs colères sont célèbres jusque dans les maisons de retraite de la ville voisine et côté distraction, rien ne vaut une bonne prise de bec entre octogénaires. Lors des rencontres de belote, le tirage « au sort » est truqué pour éviter qu’elles ne se retrouvent dans la même équipe.

      Odette riposte : « vieille » pour 16 points. La garce coule un regard lourd de sens à la vieille dame qui proteste :

«  -Ben quoué ? Tu marques ton mot pis tu me r’ga ‘de comme si tes deux mois de moins qu’moé t’faisaient une jeunesse ! Sans offense, j’suis plus vaillante que toué, moé ! »

-         Sans offense, sans offense, Jocelyne… A toué de jouer, j’te signale. »

       La vieille dame se concentre. Le plateau fait partie des armes ? Très bien. Réglons nos comptes et pour cela il faut trouver un bon mot, qui vexe, qui mouche et  qui rapporte des points pour la battre à tous les niveaux et lui clouer le bec. Voyons voir…

          La vieille dame place son mot et compte à voix haute :

«  - Alors, « vieille », j’mets « peau », ca me fait 6, mot compte double, 12. Oh ben le hasard, ca fait vieille peau… T’as vu ça ? » Elle sourit et se paie le culot de rougir un brin sous l’œil noir de son ancienne camarade de classe. Jeannot, qui a vécu trente ans dans la maison voisine de la vieille dame et la connaît presque pat cœur, interroge avec délicatesse : « Alors les filles, qui qu’c’est t-y qui gagne ? La plus tendre des deux tourterelles ? » Mais il ne reçoit aucune réponse, les tourterelles sont présentement des lionnes.

            Odette est furieuse et se venge.

«  Vache ! Quatre plus un qui compte double ; six ; plus trois : neuf ; plus quatre qu’é double, dix-sept et un, dix-huit. Tu remarques que si on s’occupe que des noms féminins qu’y là, on a vieille, vieille peau, vieille vache et vieille peau d’vache. Le hasard, dis donc… Il fait drôlement les choses…

- Oui, le hasard, des fois… »

        La vieille dame est menée et agacée. Un peu. Juste ce qu’il faut pour avoir la 'gniak', et réduire l’adversaire en chair à pâté. Sans violence.  Elle riposte : « garce ». Ca ne fait que huit points mais le message est clair.

«          - J’te redis rien sur les mots féminins du plateau, t’auras vu toute seule que vraiment le hasard… »

«          - « Vacheries », au pluriel, plus dix-huit points, c’qui m’fait un total de 62 points. Et toi ?

- T’occupes, ca va pas durer. Té, r’ga’des. J’mets « obésités » au pluriel aussi, ca me fait 61 points, vu que je place les 7lettres d’un coup. Plus les 31 d’avant ca m’fait un score de 92. T’es à comben, toué, j’me rappelle plus c’que t’as dit ? » Et de lancer un regard vers le respectable embonpoint d’Odette…

            La vieille dame jubile. Jeannot et Hubert se délectent, en connaisseurs, de leur échange. Hubert a la belle couleur d’une écrevisse, il doit contenir son rire tonitruant aussi longtemps que possible, car il sait que s’il manifeste son soutien à l’une ou à l’autre, ou son amusement, la partie sera arrêtée par l’une des vieilles, vexée. Alors il joue les  arcs-en-ciel, en silence et Jeannot se charge de lui expédier un coup de savate bien senti dans les jambes pour que les larmes qui coulent de ses yeux puissent s’expliquer par la douleur causée par son mauvais perdant d’adversaire et non par le rire qui l’ébranle.

«          - « Mixerez » 52 points. Soit un total de 114. J’t’a doublée. Tiens, en parlant de mixer, t’as t’y vu ton dentiste pour ton nouveau dentier? Si t’arraches un chicot qu’est à toué, va falloir trouver remplacer le trou par une fausse dent… Sinon, manger va te paraître ben moins soupatique… Enfin, tu fâs ben comme tu veux.

-         Oui, oui, j’l’a vu mon dentiste, il m’f’ra mon dentier pis mes enfants aideront si ma pension suffit pas. Dis et ton fils, y t’fous la paix avec le notaire pis qu’y faut que tu mettes tes affaires en ordre ? Il l’a’ra ben tôt ou tard, l’héritage ! Peut-y point t’laisser tranquille avec ça ? Je pose « avide » tiens, y’a qu’à ca qui m’fasse penser ! »

Ses paroles sont cruelles, mais la vieille dame ne les regrette pas, à son âge, à quoi bon ? Pourtant, les regards de reproche de Jeannot et Hubert la gênent. Alors, parce qu’elle a menti en prétendant que ses enfants l’aideraient à payer son dentier, elle offre à  Odette une sorte de lot de consolation : « t’as treize points d’avance. » Hubert abaisse et relève laborieusement les paupières. C’est  le vestige du clin d’œil ravageur de sa jeunesse. La vieille dame est absoute.

«          - « Jalousie ! »  s’écrie Odette.

-         Pardon ? sursaute Perrine.

-         Les sept lettres, pis mot compte double ca fait 80 points ! J’mène à 194 contre 101, te v’là foutue !

-         Chuis pas encore morte ! »

N’empêche que ca va être dur à remonter comme score, ca… Mais la vieille dame a de bonnes lettres : a, e, e, b, l, s et t. Tablées ? Sable ? Non, mieux encore ! Odette a posé jalousie, sauf que côté origines, la vieille dame n’a pas à rougir : elle a grandi dans une étable, a eu une enfance très pauvre, elle s’est mariée et en travaillant dur toute sa vie, elle se retrouve à la fin de la sienne avec une pimpante maisonnette. Alors non, elle n’est pas jalouse, elle est fière ! Tandis que la riche enfant Odette, elle a épousé un bonhomme qu’ a mangé la chandelle par les deux bouts et  si le fiston insiste autant sur l’héritage c’est pour mettre le peu qui reste à l’abri. Alors pour rappeler tout ca à Odette sans rien dire et puis aussi pour reprendre de l’avance côté points, la vieille dame pose « étables » ce qui rapporte 83 points. Et Odette n’a plus que 10 points d’avance. Non mais !

Odette a très bien compris tout ce qui se cachait derrière le mot précédent. Elle pose « yoga » avec fierté pour souligner combien, depuis qu’elle le pratique, elle est détachée des choses bassement matérielles. Avec seize points, elle creuse l’écart, en plus !

« - Le python, c’est ben une sorte de serpent ? Oui ? ben j’le mets, alors j’trouve que ca correspond pas trop mal. J’aurai aimé vipère, mais bon…

-         Ca correspond à quoué ?

-         Beh… Euh… Je pensais à ma recette de vipérine ! donc j’a pensé aux serpents pis de fil en aiguille, vipère, python, cobra… Puis en voyant mot compte triple, j’a plus hésité ! Ca m’fait 34 points d’avance c’te foé ! A toé de jouer !

-         Hum, oui, j’voué. « moquer » plus 18. Pis tais-toué donc, j’a b’soin d’silence pour m’concentrer. »

Odette joue « moquer ». La vieille dame a sur son chevalet le mot kiwi qu’elle en peut poser nulle part pour l’instant, alors elle pose le ‘r’ pour écrire « or », qu’elle mettra au pluriel au tour prochain en posant ses kiwis au pluriel. Si Odette ne lui pique pas sa place, elle en est bien capable, la greluche ! Non, elle a posé « clef » pour onze points. Ouf ! La vieille dame installe sur le plateau ses kiwis, confortablement, en mot compte triple, elle savoure ses  75 points. Elle mène avec 321 contre 239. Dans les choux l’Odette ! C’est une belle journée. Il pleut à verse dehors, mais qu’importe, il est des petits plaisirs qui métamorphosent tout, même une météo pourrie. Odette pose « fureta » avec une case mot compte triple, la vieille dame se penche, manquerait plus qu’elle se fasse battre avec les presque dernières lettres ! Mais cela ne donne que trente points. Tant pis pour l’allusion à son côté commère, la vieille dame pose ‘tutu’ pour se débarrasser des deux ‘t’ qui l’encombrent. Quatre points, ce n’est pas brillant et ca ne rappelle rien à Odette, c’est dommage. Elle tâchera de faire mieux au prochain tour. Odette s’adoucit elle aussi –la faute aux lettres qui restent, avec des limites de place, ca freine les langues les plus acerbes !-  et inscrit « donna »pour trois points de plus que la vieille dame. « lofa. »Ca fait peu de points mais c’est un plaisir de lui montrer qu’elle a un vocabulaire plus étendu . La vieille chouette lui demande sèchement si c’est vraiment dans le dictionnaire, ca ! La vieille dame explicite, condescendante. Jeannot se tortille et Hubert confirme. Ils ont fini leur partie.

«          -Pff ! Vraiment plus rien à tirer de ces lettres, hein la Jocelyne, t’es t’y pas d’accord ? On arrête là ? c’est quoué le score ? Ah tu mènes ? Ben non, on continue, alors !

-         Oh non, vraiment plus rien à écrire d’intéressant ! répond la vieille dame. Mais elle mène toujours le score, ça la console. Elle sourit. Même si Odette finit la première en posant triomphalement « nuée » à partir du « e » d’’avide’ de tout à l’heure pour son fils et que ca lui rajoute 4 points que ca retranche au score de la vieille dame. Hubert se saisit de leur calepin et annonce solennellement les totaux :

-         «  Perrine : 327, Odette : 286. Bravo Perrine t’as gagné !  Allez, mes tourterelles, les organisatrices ont installé le goûter faut aller manger les gâteaux et picoler le jus d’orange !

-         Odette, je te déconseille le jus d’orange, ca donne des aigreurs d’estomac, alors en plus de ta défaite, c’est  pas bon pour toi ! blague Jeannot, qui a repris des couleurs humaines.

-         Sans rancune, les filles ?

Les deux vieilles échangent un regard assassin et clament de concert : « Non, voyons ! On n’est plus des gamines !» La bouche en cœur…

12 novembre 2008

Et tout mon être tremble

            Tout mon être tremble. Pourtant, c’est toi qui as Parkinson. Encore un trait d’humour noir comme tu les aimes mais que je n’ose lancer à voix haute. C’est fou comme les maisons de retraite grillent toutes mes facultés sarcastiques… Je m’approche de toi, en espérant, que sais-je ? Une sorte de miracle, peut-être ?

            « - Tu es tout seul, mon grand ? C’est gentil d’être venu quand même, va, je suis ben contente.

-         Oui, Grand-mère, je suis tout seul aujourd’hui. Est-ce que ca va ? »

Zut, encore une question  qui m’échappe, par habitude. Je baisse les yeux, piteux. Comment veux-tu qu’elle aille, ta grand-mère ? M’admoneste-je. Tu viens aujourd’hui parce que es parents t’ont prévenu que la semaine prochaine, elle n’y sera plus. Pfiout, envolée la mamie ! Fini les cartes de vœux où l’écriture tremblote, les souvenirs, c’est tout ce qu’il restera et dans ta tête à toi uniquement. Si tu es là, c’est pour lui dire adieu, parce qu’après… Après il sera trop tard !

            - A quoi tu penses, mon garçon ? Tu as l’air tout pensif… T’es pas triste à cause de moé, tout de même ? J’arrive à la toute fin de mon rouleau, alors ca veut dire qu’il faut bien que je casse ma pipe un jour ! Fais pas cette tête d’enterrement : t’auras tout le temps de porter la mine de circonstance quand tu m’mèneras au cimetière ! En attendant, souviens-toi que je respire et tâche de sourire un peu ! »

            Voilà ma grand-mère qui se rebelle ! Qui s’agite et se fâche pour que ma dernière visite garde un simulacre de visite de courtoisie. Nous connaissons tous les deux l’échéance, cela nous pèse et pourtant nous cherchons à nous protéger, faciliter à l’autre sa propre présence. Jusqu’au bout.

« - Parle-moi des enfants, souffles-tu. Ta tirade t’a épuisée. Je me rappelle, quand j’étais tout gosse, tu étais un moulin à paroles à faire bailler le Bon Dieu. Il y a un instant, j’ai eu envie de croire que tu avais encore ton mot à dire sur tout, même sur la mort.

- Ben, les enfants, ca va. Audren est à la fac. Il travaille pas trop mal, il est en licence. Et puis Cathy, elle, ne sait pas vraiment ce qu’elle veut faire alors on se fâche un peu. L’objectif serait qu’il choisisse une branche susceptible de l’intéresser avant janvier, sauf qu’elle s’intéresse plus aux garçons qu’au reste. Alors ce que Papa Maman peuvent lui dire, ca lui passe au dessus des oreilles. Elle est chez des amis pour le week-end et Audren révise, il a des examens bientôt. »

            Je te noie dans le flot de mes paroles. Pourvu que tu ne m’interrompes pas ou je ne saurai plus te mentir encore… Ce n’est pas la peine que tu saches que Audren a préféré rester avec son copain – soit disant pour réviser- au lieu de m’accompagner. Inutile de t’apprendre que Cathy a déclaré sans égard ni pitié, et dans un bel élan d’égoïsme, qu’elle n’irait certainement pas voir la « vioque ».

«          - Et ta femme, ca va ?

- Oui, oui, ca va. Elle bosse beaucoup, en ce moment, un gros projet. Elle y passe beaucoup de temps. Je suis obligé de prendre rendez-vous avec elle, si je veux qu’elle rentre à la maison de temps en temps. »

            Je te souris. Je te mens. Le grand projet qui dévore tout le temps de ma femme est notre divorce. Deux mois déjà qu’elle m’a quitté. Mais de quoi je me plains ? C’est Grand-mère qui va mourir et toi tu es là avec tes problèmes de cœur, de garde, de pensions alimentaires. Je vis, je ne suis pas à plaindre. Mais je vais me taire pour que tu partes en paix. Va pas te faire de souci, Grand-Mère, endors-toi heureuse.

«          - Tu veux quelque chose ?

-         Fumer une bonne pipe ne serait pas de refus. »

Je ne réponds rien et me contente de te tendre mon nécessaire. Je supposais que tu allais te lever pour aller sur le minuscule balcon, sauf que j’oubliais que tu ne peux plus quitter ton lit. Pour rien. Et c’est là, entre les appareils et le bassin sous ton lit, qu’éclate en mon esprit toute la signification de l’expression « lit de mort ». Tu as fini de bourrer ta pipe. Tu l’allumes. Inspires. Expires. Tu savoures chaque bouffée. Tu te régales des ronds de fumée bleutée que tu parviens à grand peine à former. Tu fermes les yeux .Comment réagirais-je si j’étais à ta place ? Tu tousses. Les appareils s’affolent.

Alertée, une infirmière fait irruption dans la chambre et t’arrache des mains et des lèvres la pipe si bien appréciée. Elle se brûle en touchant le fourneau. Elle est furieuse. Indignée et ébahie.

«          - Vous n’avez pas honte, monsieur ? La laisser fumer, dans son état ? Mais vous voulez la tuer, ma parole ! Et vous ?! Madame Caroux, à votre âge et vu votre état de santé, c’est absolument strictement et définitivement défendu !!! Vous êtes déraisonnable ! »

            Elle est animée de l’indignation des justes défenseurs de la santé publique. Celle-ci a décidé de protéger le monde des dangers du tabac, on dirait. Sous son avalanche de reproches, nous échangeons un regard, un de ceux de notre complicité d’autrefois.

«          - J’avoue que je ne saisis pas bien l’importance de mourir en bonne santé… » Glisses-tu en souriant. Estomaquée, l’infirmière en reste coite. Je me retiens de rire durant ton interprétation du vieux dicton qui dit qu’il faut bien mourir de quelque chose. Elle part.

            A nouveau, nous sommes seuls et le silence s’installe. Ce sont des adieux car tu n’oses plus lever vers moi tes yeux tristes.

«          - Mamie, je…

-         Oh mon petiot, viens donc me prendre dans tes bras. »

Je m’exécute, te cachant tant bien que mal mes yeux brillants et mon cœur lourd.

-         Quand j’y serais plus, commences-tu. »

Je n’ai pas envie d’entendre la suite, mais ai-je le droit de te couper si tu veux me dire ces dernières choses qui te tiennent à cœur ? Puisque je t’ai déjà menti, puis-je m’enfoncer plus encore dans la malhonnêteté et prétendre que tu vivras bien encore cent ans ? Juste parce que ce que tu t’apprêtes à me dire me lacère le cœur d’avance ?

8 novembre 2008

La cohabitation

     Mais quel con ! mais quel sale con !

«          - Allô, Papa ? Oui, c’est moi, là. Tu peux me rappeler pour quelle raison je dois héberger l’espèce de connard que tu m’as refilé dans les pattes ?

-         Ma puce, tu m’as déjà appelé trois fois aujourd’hui, et à chaque fois je t’ai répété la même chose. Tu planques ce monsieur. Point barre.

-         Parce que tu ne trouves pas ça un peu léger comme raison ?

-         Non.

-         Bon, alors dis-moi combien de temps il doit rester là ? Que je sache combien de temps je vais encore l’avoir sur le dos… Et puis ca me permettra de compter les jours s’il continue d’être insupportable !

-         Durée indéterminée. Je dois raccrocher, on n’est peut-être pas seuls sur la ligne.

-         Quoi ! Papa, tu rigoles ?

-         bIp, bip, bip… »

Je claque le clapet de mon portable avec toute la violence qu’il m’est possible d’exprimer sans casser le précieux appareil. C’est la crise, ce n’est pas le moment de devoir faire une dépense supplémentaire ! Quelle idée saugrenue de la part de mon père de me confier un pareil olibrius ? Je n’ai jamais été volontaire pour accueillir chez moi un inconnu (et ses trois gardes du corps !)  Encore moins lorsque celui-ci est recherché par des tueurs pour une raison que j’ignore ! Ah oui, forcément, ca pimente la vie, ce n’est pas ordinaire, tout ça tout ça… Mais j’ai rien demandé, moi ! Des pas se rapprochent. C’est pas vrai, encore lui…

« - Excusez-moi, il me semble vous avoir demandé un café voilà quinze minutes… lance nonchalamment l’indésirable qui vient de s’encadrer dans le chambranle de la salle de bain.

-         Tout ce dont vous avez besoin pour le faire se trouve dans la cuisine, fis-je, aussi zen que possible face à la plastique irréprochable du rustre.

-         J’insiste. On m’a bien dit au commissariat que vous auriez des égards pour moi.

-         « On » a dû oublier de me le préciser. –Papa, tu vas avoir des comptes à me rendre ! Je l’héberge, je ne suis pas sa bonne !-

-         Mais j’ignore où se trouve votre cuisine.

-         C’est un F1 de 30m², vous ne pourrez pas vous perdre même si vous le vouliez. Vous sortez de la chambre, je suis dans la salle de bain. Entre les deux, il y a le mini couloir qui mène d’un côté au palier de l’immeuble, de l’autre à ce qui, oh miracle ! se trouve être la cuisine. Vous voilà tiré d’affaire !

-         Mais c’est…

-         Mais quoi ?!!

-         Enfin, vous voyez bien !

-         Non, là je ne vois rien du tout. Qu’est ce que je suis censée voir ?

-         Mais c’est très gênant. Je ne peux pas le dire. Pas à vous comme ca, là.

-         Très bien, si vous n’êtes pas capable de vous exprimer intelligiblement, je laisse tomber.

            Je m’apprête à fermer la porte et verrouiller le tout pour plonger avec délices dans le bain délassant/déstressant/relaxant que je me promets depuis que ce bonhomme se tape l’incruste dans mon espace vital, soit 4heures et 18minutes, environ. Mais qu’est ce qui bloque cette fichue porte ? Je vous le donne en mille : le pied chaussé d’un mocassin qui doit coûter les yeux de la tête. J’hésite entre mon envie de l’écrabouiller d’une bonne poussée de l’épaule ou réagir de façon civilisée, en ouvrant la porte à nouveau et en demandant avec mon air le plus innocent la raison pour laquelle il m’empêche de m’isoler.

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27 mai 2008

Souvenirs autour de "trop petit"

     A l'occasion de mon anniversaire, mes parents m'ont offert le petit livre " Graines d'écrivains" qui est un florilège des concours d'écriture organisés chaque année à l''occasion du Salon du Livre de Montargis. Le principe est simple: nous avons une phrase de début et une phrase de fin, qui sont imposées et nous avons le choix entre deux phrases dans les deux cas. En 2005, nous avions le choix entre " On s'est assis à table, et déjà, il n'y avait plus de vinaigrette pour les crudités." ou " Les mauvais présages s'amoncellent, ces temps-ci." pour le début et pour la fin: "Je me reproche mon silence, mais je n'y peux rien." ou "Et j'ai renoncé une fois de plus, en ce beau jour d'août, à infléchir la marche du monde." En 2005, j'ai participé à ce concours avec la nouvelle "trop petit" et je suis arrivée deuxième. Par conséquent, mon texte figure dans ce florilège. Je dois avouer que ca fait un petit quelque chose, quand même. Bien sûr, en la relisant aujourd'hui, je la trouve très imparfaite, avec de nombreuses maladresses, mais... Mais j'y tiens, malgré tout. Je vous la livre, telle quelle,  imparfaite. Bonne lecture.

Trop petit.

            On s’est assis à table et déjà il n’y avait pas de vinaigrette pour les crudités. Je suis ravi. Nous venons à peine de passer à table et Andréa commence à nous raconter sa soirée de la veille, qu’elle a passée avec son petit ami Stéphane. Il l’avait emmené au restaurant et je sens qu’elle est partie pour nous détailler chaque minute, chaque seconde de son repas. Et elle commence par le menu, évidemment ! J’ai horreur de cela. Nous allons tout savoir, y compris ce qui n’a pas le moindre intérêt. Exemple : la vinaigrette absente de la table au moment de servir les crudités. C’est comme lorsque vous demandez à quelqu’un de vous raconter sa journée et qu’il commence par « le réveil a sonné, j’ai ouvert les yeux, je me suis levé, je suis parti me doucher… » On s’en doute et en plus ce n’est pas sa petite vie qui nous fascine et que l’on veut qu’il raconte pendant que nous prendrons un air d’adoration totale, mais ce qu’il a appris d’intéressant ! Bon, je ne m’énerve pas, je lui consacre encore un peu d’attention, si elle me lasse, je n’aurai qu’à lancer mon petit pot par terre… Oh ! Mais voilà que je découvre que la vinaigrette avait de l’importance : selon Andréa, un restaurant où la vinaigrette n’est pas posée sur la table à la seconde où on lui sert les crudités est un restaurant minable. Et – c’est absurde- lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle se trouvait assise dans un restaurant « minable », elle a pris ses affaires, a fait un scandale et a quitté Stéphane, qui « avait eu l’audace de l’inviter dans ce boui-boui infâme. » Eh bien si avec cela elle n’est pas plus difficile et colérique que moi ! Pauvre Stéphane ! Quand je pense qu’au dessert, il allait lui annoncer une nouvelle qui aurait pu changer leur vies…Non, il n’allait pas la demander en mariage, c’est démodé, voyons ! Il souhaitait juste qu’ils vivent ensemble. Il allait le lui proposer au dessert. Mais elle l’ignore, puisqu’elle est partie au début de l’entrée. Elle aurait dû attendre. Mais bon, c’est la vie actuelle qui pousse chacun à aller vite, toujours plus vite… A peine le temps de vivre, avec tout cela. Enfin, je ne suis pas là pour philosopher…

            Vous devez vous demander comment je sais ce qui aurait dû être dit hier soir, puisque je n’étais pas présent et que je ne suis pas médium. Je ne suis pas non plus le meilleur ami de Stéphane, ni sa conscience… Et pourtant, je suis au courant… Alors ? Je vous aide : tous ceux qui me voient me croient absolument inoffensif… Tous sont persuadés que je ne parle pas, que je ne comprends rien à ce qui m’entoure. D’ailleurs, lorsque vous vous adressez à moi, vous vous sentez obligés de proférer des « areu » inexpressifs mais qui vous satisfont tout à fait. Ah ! Cela ne vous aide pas, de grandir ! Ca y est, vous avez réussi à faire passer suffisamment d’électricité dans votre encéphale pour faire fonctionner les quelques neurones qu’il vous reste. Je me charge de la suite des présentations, puisque je crains que les débuts n’aient été laborieux et par conséquent épuisants pour vous. Je m’appelle Timothée, j’ai dix-huit mois, vingt jours, six heures, trois secondes et huit centièmes sauf erreur de calcul de ma part. Je suis le benjamin d’une famille de trois enfants : l’aînée, c’est Andréa, elle a dix-neuf ans ; le cadet, mon frère Julian, quatorze ans ; et le petit dernier, c’est moi. Je suis arrivé sur le tard, à ce que j’ai lu, c’est un phénomène assez courant, maintenant, mais si cela vous pose un quelconque problème, ayez l’amabilité, je vous prie, de vous adresser au service de réclamation des cigognes, ou – en cas d’impossibilité- contactez mes parents : ils devraient être en mesure de vous répondre.

            Pour en revenir à Andréa et Stéphane, pardon : Andréa sans Stéphane, je sais déjà toute l’histoire parce qu’hier, le temps qu’Andréa finisse de se préparer, Stéphane a répété son discours du dessert devant le miroir du salon. Et savez-vous où j’étais ? Sous la table ! J’ai donc pu profiter du spectacle en vue contre-plongée. Que faisais-je sous la table, me direz-vous ? Eh bien, je m’étais caché pour que Maman ne me fasse pas prendre mon bain, car, voyez-vous, à la même heure, il y avait tout un reportage à la télévision sur les découvertes de Freud quant aux traumatismes subis au cours de l’enfance : je me sentais concerné, comprenez-vous, aussi j’ai voulu savoir ce à quoi je m’exposais… Toujours est-il que je suis au courant de ton histoire ; aussi très chère sœur, pardonne-moi, mais je ne suis nullement intéressé par le discours que tu tines, alors j’ose espérer que tu ne me tiendras pas  rigueur de ne pas t’écouter. Voyons comment je pourrais m’occuper en attendant que ma petite famille termine son fromage…

            Oh ! Mais c’est un journal qui dépasse de la pile de factures et de publicités que le facteur a déposé ce matin ! Discrètement, e me penche depuis ma chaise haute en direction du buffet où repose le quotidien. Je tends le bras et hop ! le voilà entre mes mains… Je ne dois pas avoir l’air trop absorbé, sinon, vous allez vous rendre compte que je sais lire… Alors, les gros titres pour commencer : les soixante ans de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz Birkenau, oui, c’est vrai qu’il faut en parler, mais pourquoi parle-t-on si peu des disparus, des Justes, des survivants de ces camps de la mort au cours de l’année ? Leur passé, ils vivent avec, chaque jour ils retrouvent l’horreur, les atrocités de leurs souvenirs et vous croyez qu’en parlant du nazisme à chaque anniversaire, c’est suffisant pour la mémoire des malheureux qui y sont restés ? C’est à peine si on entretient les plaques du souvenir et, du haut de ma poussette, je vois des marques de haine, d’antisémitisme, de racisme et j’en passe. Et vous parlez de respect… Etes-vous sûrs que de telles horreurs ne se reproduiront plus ? Vous n’en savez rien. Parmi les choses qui m’échappent, pourquoi, dans votre monde d’adultes, vous persistez à affirmer que vous œuvrez pour la paix sur la planète, pour les générations futures, alors que vous continuez à fabriquer des armes chimiques, bactériologiques, qui serviront à tuer plus, plus vite ?... L’argent que vous mettez dans de telles recherches, vous ne pourriez pas plutôt le mettre dans celles de nouveaux médicaments, de vaccins, ou le distribuer aux pays pauvres ? Ou au moins avoir la franchise d’avouer que l’argent n’est pas utilisé pour la paix mais pour la destruction ? Aux enfants comme moi, on apprend à ne pas mentir, on leur dit que c’est mal et s’ils mentent malgré tout, alors on les punit. Mais vous, qui vous sert de parents pour vous donner des fessées quand vous mentez ? Vous ne jouez plus avec des jouets mais avec des vies, et vous mélangez le vrai, le faux, le mal… Maman me regarde fixement. Elle dit que j’ai l’air de comprendre ce qui est écrit sous mes yeux. Hélas Maman, je ne comprends que trop bien, si c’est cela le monde des adultes ! Quand je pense que je prendrai ma place moi aussi dans votre triste cohorte ! Mais je ne dirai rien, Maman, n’aie crainte, tu crois que je ne sais pas encore parler et si je te détrompais là, de suite, je pense que cela te paraitrait anormal. Je fais quelques bulles de salive pour te rassurer, tu ne m’as pas quitté des yeux. Tu reprends ta mastication, je peux tourner la page sans prendre trop de risques… Ellen Mc Arthur, publicités, le bal communal, la bourse… Rien sur les guerres en Afrique, l’effet de serre, les rescapés du Tsunami… Rien. Dès lors que vous n’êtes pas directement touchés, vous ne vous sentez plus concernés. Blasé à dix mois… Que faire pour vous ? Je soupire, le journal est tombé par terre. Me voilà réduit à écouter à nouveau la conversation à table.

            Ils en sont au café. Julian et Andréa ont la tête baissée : logiquement, les parents ont dû leur faire un laïus sur le rôle de l’école : la sempiternelle phrase du : « travaille pendant tes vacances, tu réussiras mieux ton premier trimestre, et tu sais, aller à l’école est une chance… » C’est la même ritournelle depuis la maternelle. L’école, être adulte, c’est ca la vie ? Bon, dans l’ordre : on nait, on grandit, on va à l’école, on se fait des amis, on a des copines, on étudie, on trouve un métier, on fonde une famille, on vieillit et on meurt. Sont-ce ces étapes-là qui vous transforment en adultes menteurs et désabusés alors que vous êtes nés comme moi, lucides, mais la tête emplie d’espoir et de rêves ?

            J’ai un an et demi, et je sais pourtant très bien ce qui va m’arriver au cours des soixante-dix ou quatre-vingts prochaines années. Je serai comme tous les milliards de gens qui peuplent la planète. Une unité dans une multitude. Préoccupé de ma petite vie égoïste, centré sur mon entourage. De quoi vous donner peur de grandir…

            La table est débarrassée. Je suis mal à l’aise. Votre monde me fait peur. Je m’agite dans ma chaise haute dont on a oublié de me descendre. Maman croit que je veux aller dormir.

            Elle n’a rien compris. Comme Andréa pour Stéphane. Comme les adultes sur eux et sur le monde qu’ils créent. Comme vous, donc.

            Je suis couché dans mon petit lit, maintenant. J’ai ma berceuse, mais je n’arrive pas à m’endormir. Je me fais du souci pour vous. Je voudrais vous dire tout ce que vous faites de travers dans le monde. Mais si je parle, vous allez me considérer comme un fou, au mieux comme un spécimen à étudier. Et si je me tais, vous ne comprendrez pas, pas plus que Maman pour la sieste. Mais la tâche est immense, parce que cela fait des siècles que vous faites des bêtises… Mais à quoi bon ? Vous êtes adultes et vous n’en faites qu’à votre tête. Alors l’avis d’un de vos « bouts d’chou » de dix-huit mois, vous vous en moquez autant que moi de ma première chaussette…

            J’ai serré mon nounours qui sent la lavande dans mes bras ; j’ai fermé les yeux. Et j’ai renoncé une fois de plus, en ce beau jour d’août, à infléchir la marche du monde.

7 mai 2008

Il faut qu'on parle.

« - Il faut qu’on parle. »

Ta voix, douce d’habitude, résonne comme une sentence. Oh comme je hais cette phrase. Quand on commence comme ca, c’est qu’on n’a plus rien à se dire. J’espère quand même. Oh, pas beaucoup, mais un petit peu quand même. Tu veux me quitter, c’est ça ? Mais je ne veux pas te perdre, moi ! Pourquoi veux-tu me quitter ? Parce que tu veux partir, cela ne peut être que cela…Tout allait si bien, pourtant…

Je m’éloigne de l’évier où je lavais la vaisselle, l’esprit léger, il y a encore quelques minutes. Je suis maintenant terrorisé. Le moindre prétexte, du lacet défait à une querelle entre voisins, serait bon à prendre pour retarder de quelques instants encore le moment où tu vas m’annoncer ta décision de me quitter. Si j’ai de la chance, tu veux peut-être simplement une pause ? Ce n’est pas que les pauses solutionnent les problèmes de couple, elles ont même plutôt mauvaise presse… D’aucuns prétendent qu’une pause a pour seule utilité de laisser du temps à l’autre pour accepter la rupture définitive, tout en empêchant celui qui part de devenir chèvre en la compagnie de celui qu’on a déjà quitté par l’esprit. Dis-moi que tu ne me quittes pas, que tu veux juste une pause, s’il te plait. Je t’aime tellement… Ne me quitte pas… S’il te plait…

C’est fou ce que le trajet entre la cuisine et notre salon parait court. C’est presque aussi incroyable que la vitesse à laquelle mes pensées déferlent dans ma tête. Le brainstorming, à côté, c’est de la rigolade. Qu’est ce que tu es belle… On vient d’emménager dans ce petit appart, le premier, le nôtre. Ca fait un mois qu’on est là, ensemble. Est-ce que notre rêve s’est déjà abîmé au point d’exiger la rupture ? C’est la vie commune qui a tué l’amour que tu me portais ? Qu’est-ce qui s’est passé, bon sang ?

Tu déplaces une chaise, que tu installes en face du canapé. Tu t’assieds. M’ordonne de me poser en face. J’obéis. Tu me laisses le canapé, le confortable… Est-ce parce que je vais recevoir un tel choc que j’ai besoin d’être bien installé ? Alors, tu romps ? Mais les coupables sont sur des bancs, non ? La pause, dans ce cas ?

Je sens que c’est un moment important, je suis attentif à tout ce que tu vas dire, tous tes gestes. Un rayon de soleil vient caresser ta peau, fait briller tes cheveux. Tu es si belle. Je t’aime et tu vas me quitter, c’est classique, mais pour moi c’est juste dramatique… Reste, je t’en prie… Reste…

« - Oui ? Tu veux qu’on parle ? Je t’écoute. » Comme je me déteste de te parler aussi froidement. Mais je sais ce que tu vas me dire, je ne veux pas m’effondrer maintenant, ca serait encore plus difficile pour toi de m’annoncer que tu t’en vas, ensuite. Je te dois bien ça, pour tout le bonheur que tu m’as apporté, de te faciliter la tâche pour me quitter.

« - Oui. J’ai quelque chose à te dire. Quelque chose d’important.

-         Humph ?

-         Ca fait quelques jours que je sais, et je ne savais pas comment te le dire. C’est difficile. Et j’ai un peu peur de ta réaction…

-         Tu… Euh. Je sais déjà ce que tu vas me dire.

-         Ah bon ? Mais ? Enfin je ? Co- Comment tu sais ?

-         Je me doute. C’est ton « il faut qu’on parle » qui m’a alerté, tout à l’heure. Alors je vais te faciliter la tâche : tu me quittes.

-         Mais ? Nan ! Enfin, tu crois ? C’est ce que tu veux ?

-         Non, c’est ce que toi tu veux. C’est plus simple si c’est moi qui le dis, nan ? J’ai bien compris ?

-         Nnnon… » Lâches- tu dans un gémissement inarticulé que je n’entends pas.

Tu t’accroches à mon bras lorsque je me lève. Je t’écarte, sans douceur mais sans violence. J’ai mal à en crever. Tout s’écroule autour de moi. Bon sang, mais je t’aime ! J’ai besoin d’aller prendre l’air. J’attrape mon manteau et fonce sur la porte d’entrée.

Lorsque je rentre, trois heures plus tard, je m’attends à ce que tes valises soient faites.

Mais tout est là.. Je n’en reviens pas. Toi aussi ! Tu sors de la salle de bain lorsque j’arrive. Tu me regardes de ton air de dire «  ca y est, t’es calmé ? ». C’est un début. Je ne veux pas te perdre. Ces heures dehors ne m’ont permis qu’une chose, c’est de réaliser combien ma vie, c’est toi. Je t’aime ! Je ferais tout ce que tu veux, mais je refuse de te perdre. Je veux passer ma vie avec toi.

Et c’est à ce moment précis que tu lâches la bombe atomique :

- Je peux te parler, maintenant ? Parce que ce que je voulais te dire tout à l’heure, c’est que je suis enceinte ! »

1 mai 2008

Au 26 de ma rue

           Ah ! Le premier logement étudiant ! Quel bonheur !

On se dit qu’on va vivre –enfin !- tranquille, peinard, en se couchant à pas d’heure si on a envie, en osant les grasses matinées jusqu’au milieu de l’après-midi, sans cris, sans prises de tête avec les parents : bref, on l’attend depuis tellement longtemps que l’appart a, depuis notre première prise de chou adolescente, pris une réelle apparence de paradis perdu. Evidemment, on s’aperçoit rapidement que le rêve a des limites, notamment lors de l’emménagement : tout ne tiendra pas à l’intérieur, forcément, l’architecte a prévu des murs beaucoup trop proches les uns des autres ! Mais qu’à cela ne tienne, malgré cette première mini (ouais, boarf, pas tout à fait mini, mais on ne va pas commencer à râler lorsque les portes de la liberté s’ouvrent devant vous !) déception, l’euphorie est à son comble lorsque vous pouvez mettre vos parents à la porte de votre chez-vous tout neuf (pour vous, en tout cas. Il ne faut pas prendre tout au pied de la lettre !) en leur souhaitant un guilleret « A dans trois semaines ! »

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           Les premiers temps, vous ne pouvez vous empêcher de vous émerveiller d’à peu près tout : lorsque vous cuisinez, vous avez l’impression de jouer à la dinette avec vos nouvelles assiettes, (chinées sur une brocante), vos verres et la cruche assortie, qui viennent de Corse (lot sur le vide-grenier annuel de votre village), vos premières casseroles (moins original, achetées en grande surface, mais avec une poignée amovible et un revêtement pour éviter que ça attache, si vous loupez quelque chose des super petits plats que vous vous êtes promis de faire), farfouiller dans votre livre de cuisine pour vous mitonner un petit plat (je suis une gourmande, ma mère est une très bonne cuisinière et mes grands-mères des chefs en gourmandises, alors forcément, les plats tout prêts: c’est pas mon truc !) a des parfums de poésie : la cuisine est devenu un espace merveilleux dédié aux bonheur de vos papilles parce qu’en plus, vous ne mangez que ce que vous aimez, vous ! Vous admirez vos meubles ikéa, après le montage que par miracle, vous n’avez pas compris de travers. Vous avez aussi hérité, (rayez la mention inutile) :grâce à la bonté d’âme naturelle de votre famille / parce que ca prenait de la place dans leurs greniers et que c’était vachement bien de s’en débarrasser avant que ca ne soit une ruine, (fusse chez vous,) / parce que vous êtes une des premières de la troupe des petits-enfants à quitter le cocon familial et que du coup tout le monde s’émeut et veut vous aider/ parce que ca donne à vos oncles et tantes le sentiment de se préparer pour le jour où leurs choupinets encore en maternelle quitteront leur maison à leur tour pour emménager ailleurs /vous avez donc hérité d’un tas de choses. Des meubles, d’abord, qu’on ne peut pas jeter pour des questions d’héritages : sentimental (parfois) et financier (souvent) (oui, tu vois cette armoire : je l’ai arrachée des griffes de ma cousine lors du partage des meubles de notre grand-oncle, sans descendance. Elle la voulait et moi je ne voulais pas qu’elle l’ait. Non je ne la trouvais pas belle, cette armoire, mais je n’aimais pas la cousine, elle n’est même pas venue le veiller avant l’enterrement. Puisque l’armoire est de notre côté de la famille, et qu’on est brouillées avec la branche de la cousine depuis deux générations à cause de ce meuble, question d’héritage, hein !, je me suis dit que je pouvais te la donner, comme ca elle reste de notre côté et on ne pourra pas dire qu’on ne s’en sert pas et que je l’ai réclamée simplement pour ennuyer ma cousine. Tu comprends ? Et puis je suis sûre qu’une fois les toiles d’araignées enlevées, la peinture verte décapée, le traitement pour les vers effectué, peut-être en ponçant les espèces de gargouilles qui servent de décoration sur les portes, -mais c’est pas obligé, tu sais, les modes c’est cyclique, ca sera in dans quelques années- et en remplaçant le dos de l’armoire vermoulu et les pieds bouffés par les souris et une fois cirée, elle aura belle allure, cette armoire ! Tu te rends comptes ! Tous les étudiants ne peuvent pas se vanter d’avoir une armoire de caractère et de 150ans dans leur logement. Heureusement que tu as une famille qui t’aime, hein ?)

          Commençons par le lit : ca tombe bien justement, vos grands-parents en ont un dans leur grenier : celui dans lequel sont nées les générations précédentes dont vous êtes issus, ce même auguste lit où votre arrière arrière grand-père a trépassé, ce lit qui a patienté une bonne cinquantaine d’années dans les greniers des générations successives et susnommées et qui s’offre, après le départ du vieux matelas de duvet des canards de la ferme (–je ne sais pas à combien de générations de canards ca remonte, là, d’autant qu’on employait exclusivement le duvet des canards de la ferme !-) un nouveau départ dans la vie et dans votre piaule étudiante. Vous êtes parvenus à éviter l’armoire dont je viens de vous parler, en prétextant une hauteur de plafond insuffisante pour l’accueillir (il est de pieux mensonges.) puisque l’argument d’une remise en état trop coûteuse avait été balayé d’office. Votre bureau vous suit depuis votre entrée au collège (et se disloque à chaque déplacement, un bonheur !). Et puis il y a les éléments que vous avez chinés sur les brocantes, l’été précédant votre premier emménagement, par exemple la penderie ( 8€ et vous continuez à ne pas regretter l’armoire que sa propriétaire proposera vaillamment à tous les membres de la famille qui vont emménager quelque part, des étudiants aux jeunes couples, sans que personne ne manifeste la moindre envie de la retaper et d’en faire un élément clé de son intérieur, ce qui amènera sans doute l’armoire à pourrir sur place. On la retrouvera dans une trentaine d’années et à votre tour, vous essaierez certainement de la refourguer à un pigeon familial.) ou votre malle (énorme ! comme les malles pour les bateaux, dans le temps) qui vous servira à ranger la presse hebdomadaire pendant la durée de vos études et que vous avez retapée de fond en comble pendant vos semaines de vacances. Vous vous sentez-bien chez vous. La déco vous plait, enfin, celle que vous avez faite avec les posters et les photos de vos potes, les tentures pour cacher les trous dans le mur, bref c’est le bonheur. Même le ménage (sans aspirateur : il n’y a pas assez de place pour le stocker) n’est pas aussi rébarbatif à faire qu’au domicile familial. Il y a peut-être un lien avec la surface que vous avez à entretenir et le temps que cette corvée vous prend. Mais je m’avance.

         Vient le jour où le tout neuf finit par prendre un goût de routine. C’est beaucoup plus rapide que ce que l’on croit ! C’est alors la vie qui se charge de pimenter votre existence en solitaire. A chacun ses expériences. Outre les voisins audibles à toute heure du jour et de la nuit grâce aux murs en carton (on se passerait des scènes de ménages et des réconciliations qui s’ensuivent), les inévitables fuites d’eau, chez votre voisin du dessus, donc chez vous et chez votre voisin du dessous (ô, vieille bâtisse !), les disputes dans le couloir que vous pouvez observer par l’œilleton (ou judas, choisissez selon votre bon plaisir) avant, pour savoir si vous êtes en mesure côté biscottos d’aller leur demander de baisser d’un ton parce qu’il est quand même trois heures du mat’ et vous avez des partiels le lendemain matin, outre le concierge aux pertes de mémoires intempestives et pas franchement aimable (mais c’est son épouse qui remporte la palme du bouledogue, soyons honnêtes), outre les purges de robinetterie chez un voisin de votre côté du couloir -quel que soit l’étage- qui vous permet de prendre vos douches à l’eau froide pendant deux jours (c’est peut-être bon pour la peau et les cheveux, mais pour la bonne humeur, c’est fatal !) outre tous ces petites choses qui font (parait-il !) tout le charme de la vie dans un immeuble, il y a un « truc » en plus. Ce truc, ca peut être n’importe quoi, mais ca donne une touche « unique » à tout ce temps où vous avez vécu là, dans votre super premier logement d’étudiant.  Je vous invite – puisqu’on en parle- à me raconter quel est votre ‘truc’ en plus, les commentaires en bas de l’article, ca peut aussi servir à ça ! ( et à me faire de la lecture, accessoirement !)

            Personnellement, le ‘truc’ en plus, dans mon immeuble, c’est le voisin que j’ai eu pendant deux ans et demi : il était fou. Mais fou, vraiment, il faisait des séjours réguliers en hôpital psychiatrique. Il était dans la vie normale et dès qu’il recommençait à faire des crises de violence, hop ! re- séjour à l’HP. C’est un peu (beaucoup !) stressant. Le concierge m’avait certifié qu’il était calme et sympathique ; surtout depuis qu’il ne faisait plus ses besoins dans les couloirs des étages, qu’il avait cessé de sonner aux portes la nuit ( pas toc, toc avec la main, il préférait la douce mélodie des sonnettes aux cris stridents) et qu’il n’avait plus de chat, qu’il avait installé sur un matelas dans le local du vide-ordures, sans litière (vive l’odeur !), bref, un jeune homme tout à fait charmant. Je me réjouissais secrètement d’avoir échappé aux frasques précédentes et espérais qu’il resterait aussi zen à l’avenir. Mais évidemment cela n’a pas été le cas.

            Il a commencé fort : son appartement étant situé juste en face des escaliers et de l’ascenseur, il m’a observée derrière son œilleton jusqu’à connaître mes horaires de cours et donc de départ et d’arrivée à la fac. Pour mon malheur, je plaisais au bonhomme. Il m’a suivie jusqu’au parking, pour m’aider, soit –disant, et a essayé de me coincer dans l’ascenseur. Heureusement, ce soir là, mon Papa était là et il s’est interposé. Nous sommes rentrés dans l’appartement, mais il a fallu que Papa l’empêche physiquement de pénétrer dans l’appartement pour qu’il me laisse en paix, après avoir menacé mon père de représailles et lui avoir dégoisé un tas d’insanités et de reproches sur l’éducation qu’il m’avait donnée et un « vous êtes un mauvais père car votre fille n’est pas heureuse » que je ne lui pardonnerai jamais. Mais mon Papa étant un agriculteur musclé par les travaux des champs, l’autre a préféré retourner chez lui, à quatre mètres de ma propre porte. La nuit tombée, mon père a dû repartir et à onze heures du soir, mon voisin tentait de défoncer ma porte à grands coups d’épaule. Inutile de vous dire que je n’ai guère dormi, terrorisée à l’idée que la serrure finisse par céder. Mais non. Ouf. Le lendemain midi, je trouvais des CDs dans ma boite aux lettres, or, Monsieur mon Voisin m’avait proposé de me prêter de la musique religieuse, à savoir d’après les étiquettes : Rammstein, Tryo et Les Wriggles. (Imaginez la tête de l’officiant). Je glissais les CDs dans la boite aux lettres de Monsieur mon Voisin et repartais. Je me méfiais, je savais qu’il me guettait, il sortait pour me voir « par hasard » matin et soir, au retour des cours, certains jours il me suivait jusqu’à la fac et en ville : je n’ai rien d’une super héroïne, comme on dit par chez moi : j’avais le trouillomètre à cent.

          Après un séjour à l’hôpital, il est revenu plus calme : il s’est mis à déplacer ses meubles. La  nuit de préférence. Selon une (sa) logique imparable, il voulait se faire des amis : pour cela il faut parler ensemble : or, les gens sont pressés : donc il faut les bloquer pour un certain temps pour qu’ils parlent avec vous. Donc, il déplaçait ses meubles la nuit, les sortait dans le couloir et bloquait en priorité l’ascenseur et l’escalier en priorité et répartissait les reste de ses affaires dans le couloir. Vers sept heures du matin, les premiers travailleurs commencent à partir pour se rendre à leur travail. Sauf que,surprise ! Il est impossible de descendre par l’escalier ou l’ascenseur (la fenêtre est inenvisageable : je vis au 5ème étage) sans aider ce brave Monsieur mon Voisin à ré- emménager tout son bazar. Pour ne pas être trop en retard, les gens acceptent. Et subissent son bavardage, en silence. Monsieur mon Voisin nous a fait le coup régulièrement trois semaines de suite. E en période de partiels, aussi, il alternait entre les nuits ‘meubles dans le couloir’ et les nuits ‘je sonne à toutes les portes’. Il a arraché sa serrure de la porte de son appartement et forcé la porte blindée du bas de l’immeuble : résultat : nouveau séjour en HP.

            Nouvelle idée, puisque l’hiver était là, mais louable cette fois, car à vocation humanitaire. Il partait dans la ville le soir et ramenait les SDF et les alcooliques de la place plum’ chez lui. Après une douche, il les installait pour la nuit, au chaud. Pour une nuit, au moins. Lorsqu’il n’avait plus de place dans son appart, il les faisait dormir dans le couloir. Souvent, c’étaient les propriétaires des chiens qui se retrouvaient dans le couloir. J’allais à la fac en faisant attention de ne déranger personne en enjambant les corps endormis et les chiens protecteurs.

            Monsieur mon Voisin a remarqué un jour que les propriétaires d’animaux familiers ont une certaine facilité à se parler : l’idéal pour nouer des amitiés. Surtout en cette période où les NAC, ou Nouveaux Animaux de Compagnie, sont à la mode. Lui, en l’occurrence, c’est plus que de la mode, c’est du futurisme qu’il nous a fait. Figurez vous qu’il s’est mis à élever des blattes. Vous savez, cette ignoble petite créature, de la même famille que les cafards ? Je vous ai raconté un de mes réveils en tête à tête avec l’un des représentants de l’espèce qui avait élu domicile chez moi dans « Réveil difficile ». Alors Monsieur mon Voisin a commencé son élevage avec un couple de blattes, enfermé dans un vivarium. Il les sortait dans le couloir (pour faire ami-ami avec les propriétaires d’animaux domestiques, il faut que ceux-ci vous voient) Sauf que les blattes, ca se reproduit vite. Très vite. Trop vite. Alors il en a lâché une poignée dans son appartement, puis au milieu du couloir. C’était en août, les étudiants, rentrés dans leurs familles, avaient fermé les volets. Autant dire que nous avions donné un terrain de jeu incroyable à ces horribles bestioles ! En septembre, à mon retour, le sol de mon appartement grouillait, et sur les murs, sous le papier peint, s’agitaient des familles de blattes. L’horreur ! Cela fait maintenant deux ans que je lutte contre elles, je suis une experte en désinsectisation, bombes et pièges à blattes, mais j’ai toujours quelques spécimens de l’espèce dont je n’arrive pas à venir à bout. Argh !!

            La dernière lubie, c’a été au cours du recrépissage extérieur du bâtiment. Plein de bonne volonté, Monsieur mon Voisin a décidé d’aider les ouvriers. Sauf que le faire monter sur un échafaudage, c’est à peu près tout sauf prudent. Les malheureux ont passé plus de temps à l’empêcher de monter sur les échelles, voler la peinture, barbouiller le mur ou repeindre le parking qu’à peindre.

            Et cette année, Monsieur mon Voisin a finalement été jugé inapte à la vie normale, il est dorénavant en hôpital psychiatrique pour toujours. Mais pour que je ne l’oublie jamais, il m’a laissé les blattes !

30 avril 2008

Perte de repères

            C. ne s’en sort plus. Elle patine, elle rame, elle tout ce que vous voulez mais elle coule. C. ne sait plus ce qu’elle veut, ce qu’elle doit faire, ce qu’elle doit dire, en quoi elle peut encore croire. C. est dans un tel état que seul le sommeil la soulage du vide qui l’emplit. C. a la drôle de sensation de ne plus exister, si tant est qu’on puisse dire qu’elle a existé… C. n’a pas envie de mourir, mais C. se demande parfois si ca n’en vaudrait pas la peine, juste pour arrêter le petit cheval dans sa tête. C. se sent seule, toute seule, si seule. C. sait qu’elle ne doit pas baisser les bras parce que les autres ne méritent pas qu’elle renonce quand on s’est battu et qu’on a cru en elle. C. pense à ses parents, c’est pour eux que C. continue à serrer les dents en attendant. En attendant quoi ? De reprendre goût à la vie ? Bordel en attendant quoi ?! C. l’ignore, elle se sent juste mal. Mal à en crever, on dit. C. aimerait savoir si ca s’arrange. Si elle aura la force de tenir. Un temps. Le courage de faire un pas. C. sait que ses amis sont là pour l’aider. Ils lui ont dit. Plein de fois. Mais C., ca n’arrive plus à l’atteindre. Si elle n’avait pas ses parents et son frère, C. aurait déjà laissé tombé. C. se dit que la seule chose qui lui plait dans la vie, en ce moment, c’est le sommeil. Parce qu’il la coupe quelques heures de ses pensées. Si seulement C. pouvait arrêter de penser… C. fait semblant, parce qu’elle a toujours triché, parce que c’est plus facile, parce que ca lui permet d’être forte en apparence parce qu’elle est terrifiée. C. ne s’émerveille plus, même le spectacle d’enfants ne l’émeut plus de la même manière. C. regarde, C. observe, C. est loin du monde. C. regarde les autres en sachant que pour C. c’est foutu. Ca n’arrivera pas. C ; sait qu’on appelle ça une dépression. C ; ne se sent pas utile. C. n’existe plus pour elle-même. C. n’a pas tous les jours le courage de chercher son courrier, C. ne supporte plus de sortir dehors. C. trouve que sa fenêtre est loin et qu’il faut beaucoup de courage pour aller l’ouvrir. C. n’a pas plus tous les jours la force de se laver. Alors pour tout ça, C. se sent sale et lâche et C. se méprise. C. trouve que c’est dur. Signe que ca va mal : C. arrive de plus en plus souvent à pleurer. Tout le temps. Dès le réveil, dès qu’elle a conscience d’elle. C. sait que ca s’appelle une dépression. C. se dit que ce n’est qu’un mauvais moment à passer. C. sait qu’elle va continuer, elle ne veut pas faire de peine à ses parents. Elle ne supporte pas l’idée même de les voir pleurer à cause d’elle. Alors C. serre des dents, en attendant que CA passe.

            C. joue parfois avec l’idée de sa mort. Mais une mort qu’elle n’aurait pas fait exprès de croiser. C. se sait égoïste. C. ne veut pas se suicider, C. ne veut pas impliquer quelqu’un d’autre dans sa mort. Mais C. se dit que mourir par hasard, sans le faire exprès, c’est peut-être pas si mal. Et alors C. a honte de ce qu’elle pense et de ce qu’elle pourrait souhaiter. C. aimerait parfois disparaître, et c’est la raison pour laquelle C. se dit qu’elle doit se battre pour aller mieux.

23 avril 2008

Réveil difficile

Comment ai-je pu faire une chose pareille ?

Ce matin,  sortant péniblement du sommeil, en ouvrant les yeux, c’est sa trombine que j’ai vue sur l’oreiller !

Mais jamais, au grand jamais, je n’ai eu l’envie de passer la nuit en sa compagnie ! Seulement le fait est là : nous avons selon toutes les apparences dormi ensemble… Quoi qu’il se soit passé c’est une erreur. Je n’aurai jamais dû. Lui non plus, d’ailleurs, mais je me l’explique plus aisément : je ne le côtoie pas pour ses capacités intellectuelles. Et depuis la dernière fois, je doute qu’il ait réussi à comprendre comment fonctionnait la matière grise qui lui tient lieu de cerveau. Comment a-t-il pu ? Comment  a-t-il osé ? Il sait très bien ce que j’en pense, en plus : je refuse ! Cela n’est pas parce que nous vivons pour ainsi dire ensemble depuis plus de deux ans qu’il peut se permettre des incursions sous mes draps ! Pour qui se prend-il ?

            J’enrage ! Mais quel culot ! Et monsieur ne fait pas mine de bouger, ignore superbement le regard meurtrier que je darde sur son corps. Si j’avais des yeux revolvers, cela fait quelques minutes que môssieur serait en train de refroidir, aussi troué qu’un gruyère !

            Non, vraiment, je ne comprends pas comment il a pu se retrouver sous ma couette ! Du calme, essayons de reconstituer les événements de la veille. Hummm… il était déjà là quand je suis rentrée de la fac, avec ses (trop) nombreux potes. Malgré mes invectives et plusieurs basses attaques, je n’ai pas réussi à le déloger, LUI. Les autres ont rapidement pris la fuite, rien qu’en me voyant. Je n’ose pas imaginer ce qu’il a pu leur raconter sur moi, mais cela m’est bien égal dans la mesure où c’est efficace pour qu’ils débarrassent le plancher ! Cela a beau être chez moi, Môssieur invite ses potes et puisqu’ils semblent s’y trouver bien, ils mènent la belle vie ! Pendant ce temps, moi, sans relâche, j’attaque, chasse et mets au point de nouveaux systèmes d’extermination dans le but – enfin ! – de retrouver la solitude. Mais rien n’y fait ! Je ne suis plus maitresse chez moi ! C’est dramatique !

            J’en reviens toujours au même point : que fait-il dans mon lit ce matin ? Même si je n’ai pas réussi à le chasser hors de l’appartement, je ne l’ai certainement pas invité à partager ma couche, il se serait contenté du sol ! Etais-je consentante ? Voilà qui m’étonnerait ! Seulement, si je ne l’étais pas, il devrait y avoir  des traces de lutte, je n’ai aucun bleu, a priori rien de cassé, je ne suis pas ficelée comme un saucisson, l’appartement n’est pas jonché de débris ni bombardé, même mon bazar trône à sa place habituelle : bref, rien ne semble attester d’une défense active de ma part. Car je ne peux pas avoir été consentante. Rien que l’idée d’un tête-à-tête avec lui me révulse !

            L’autre possibilité à envisager, c’est que je n’ai pas été hier dans mon état normal… Réfléchissons… Ai-je bu ou fumé, fait quoi que ce soit qui ait pu me mettre dans un état second – ou même troisième, vu la répulsion que m’inspire le bougre (ensommeillé ou non) – qui pourrait expliquer sa présence à mes côtés à cet instant ? Non, pourtant, je me rappelle de la soirée et rien de tout cela.

A moins qu’il ne m’ait droguée à mon insu… mais soyons réalistes ; il est incapable de ce genre de calcul. Non, vraiment, j’ai passé une soirée très sobre, très saine, le genre de vie qui servirait de spot rassurant pour les parents. C’était d’ailleurs une soirée magistralement ennuyeuse ! Mais pas au point de me sentir réduite à CA !

J’écarte d’office l’hypothèse d’un dépôt incognito de l’être par des extraterrestres en goguette. Quoique… Est-ce si peu plausible ? Quelle explication rationnelle me reste-t-il ? Je ne me sens pas encore assez vieille et défraichie pour avoir proposé une nuit portes ouvertes à l’occasion des Journées du Patrimoine, alors zut ! Qu’est-ce que cette erreur de la nature fiche dans mon lit ???

Déjà le premier contact… Remontons le temps un instant. Nous nous sommes rencontrés, pour la première fois grâce à  …Mais non, voyons, qu’est-ce que je raconte ? Ca sent l’eau de rose tellement c’est cucu la praline ! Non, en réalité, nous nous sommes rencontrés à cause de mon voisin de pallier. (Voilà qui est plus en accord avec ce que j’éprouve, sacrebleu !) Et déjà, nos rapports s’annonçaient difficiles. On raconte que les contraires s’attirent, mais là, nos différences ne parviendront jamais à nous unir, c’est clair ! Après ces premiers contacts plus que houleux, évidemment, rien ne s’est arrangé. Malgré mes incessantes tentatives et assez désespérées de rupture totale de liens d’aucune sorte, nous continuions à nous voir tous les jours ou presque. C’est qu’il s’accrochait, l’animal ! De mon côté, vous allez penser que c’est du sadomasochisme, de la pitié ou la marque d’une patience infinie. Et la réponse exacte est : rien de tout ca ! Je n’avais tout simplement pas le choix, il me fallait subir. Hélas ! Alors bien sûr, après ces deux ans de vie quasi-commune, j’ai appris à me comporter de manière apparemment civilisées : fini les cris, les tremblements des genoux, les mains moites, les larmes de rage, et toute la panoplie de manifestations corporelles diverses correspondant à une émotion forte.  Je ne cède plus dans la seconde à mes vils instincts lorsque je suis en sa présence, ou confrontée à un de ces (trop) nombreux « potes ». Sans me vanter, je suis parvenue à être (presque) zen : je conserve un calme olympien, j’agis avec une précision chirurgicale, en bref  et sans me vanter : je garde une maitrise de ma personne incroyable. Sauf ce matin. Soit. Mais d’habitude je ne dors pas avec lui !

Dès qu’il sera parti, je défais mon lit et hop à la machine ! Tout à

90°C

, afin que pas la moindre fibre de tissu ne conserve na moindre trace de son passage sur les draps !

Il est temps de se débarrasser du gêneur. J’enrage. Je lui assène un grand coup sur la tête. La moue dégoûtée de mon visage lui sert de bonjour. Pas de câlin, pas de bisou, que dalle ! Qu’il dégage ! Ou je ne réponds plus de mes actes. Argh ! IL cherche à s’enfuir, mais une claque magistrale l’achève. Bonheur ! Je crois qu’il est mort !

Mes draps sont au lavage, je suis moi-même douchée et fraiche à nouveau. Son cadavre a disparu. Plus rien ne subsiste de son passage ici, ni de cette monstrueuse nuit. Je n’éprouve aucun remords. Je suis même réjouie, à un point d’une rare intensité. Je suis sûre que vous me comprenez…Car enfin, à ma place, VOUS, qu’auriez-vous fait en vous réveillant à côté d’une blatte ?

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