Cohabitation. B."réagir de façon civilisée"
« - Oui ? Susurrais-je, en ouvrant la porte, de ma voix de sainte à la patience inépuisable qui va transformer son interlocuteur en chair à pâté dans les dix-huit secondes s’il continue.
- Je ne tolèrerai pas que vous me laissiez seul, fût-ce pour vous laver, tant que vous ne m’aurez pas servi mon café ! s’exclame Môssieur qui, pour me trouver sa détermination, sans doute, accompagne ses paroles d’un grand coup du plat de la main sur le mur.
- Ouille !!! »
C’est bien ma veine, en plus, il s’est fait mal !
« -J’ai très mal à mon poignet ! Faites quelque chose ! grimace-t-il en sautillant sur place.
- Asseyez-vous, calmez-vous, vous n’aurez pas moins mal en vous agitant dans tous les sens. Essayez de bouger votre poignet.
- Ouille ! Aie ! Eh ! Vous êtes malade ! Ca fait mal !
- Mais non ! Ne…
- Qu’est ce que vous lui avez fait ?
- Que se passe-t-il ici ?
- Haut les mains ou je tire ! braille la troisième voix masculine. »
Voilà donc le trio gagnant dont je me retrouve affublée tant que Môssieur-je-veux-mon-café-et-je-me-blesse-en-donnant-des-claques-au-mur-pour-patienter sera planqué dans mon appartement. Vu la vitesse de réaction de ceux-là et les tueurs professionnels aux trousses du zig acteur, je ne parierai pas être encore en vie la semaine prochaine !
« - Messieurs, tout va bien. Baissez vos armes, c’est stressant de parler avec ça sous le nez. Merci. Monsieur Zayed a simplement voulu faire plier le mur en tapant dessus mais c’est le mur qui a gagné. Résultat des courses, il s’est fait mal au poignet mais après quelques jours de pommade et un bon bandage, il n’y paraitra plus ! Sur ce, je vous suggère de reprendre vos postes, sauf si vous voulez jouer les infirmiers.
- Cafééé, gémit l’estropié. »
Décidément, quand ce type a une idée en tête, il ne l’a pas ailleurs ! J’en profite pour demander aux trois gardes du corps s’il y a un volontaire parmi eux pour préparer le café du grand geignard, mais étrangement le motif de mon linoléum semble les absorber dans une profonde réflexion sur la nature des motifs géométriques, certainement. Je soupire. Le plus courageux lance presque en chuchotant « Le faire, ben, on ne voudrait pas déranger, mais par contre, pour le boire, on ne dit pas non… » Je fais mine de n’avoir rien entendu et fourrage bruyamment dans le vanity qui me sert de pharmacie à la recherche d’une bande élastique et de la pommade. Munie de mon attirail, je me tourne vers mon patient gémissant et commence à masser son poignet. Il se plaint de l’odeur du camphre, de mon bandage mal fait, trop serré puis trop lâche, mais je serre des dents : mon objectif est de me débarrasser de cette corvée le plus vite possible et entrer dans le débat avec lui. Soudain, il s’immobilise, se tait (enfin !) encadre ma tête de ses deux mains (pouah, effectivement, elle sent drôlement fort cette pommade) me regarde droit dans les yeux et me déclare solennellement :
« - Tout ca, c’est de votre faute !
OU
- Vous pouvez finalement être charmante. »